Que décrit l’accord de performance collective du code du travail ?

L'accord de performance collective (APC) est un dispositif introduit par les ordonnances Macron de 2017 pour offrir davantage de flexibilité aux entreprises. Cet outil de négociation permet d'adapter rapidement l'organisation du travail aux évolutions économiques, tout en préservant l'emploi. Conçu pour répondre aux nécessités de fonctionnement de l'entreprise ou développer l'emploi, l'APC peut modifier certains éléments essentiels du contrat de travail, même sans l'accord individuel des salariés. Son introduction a suscité de vifs débats sur l'équilibre entre flexibilité pour les employeurs et protection des droits des salariés.

Définition et cadre juridique de l'accord de performance collective

L'accord de performance collective est défini par l'article L. 2254-2 du Code du travail. Il s'agit d'un accord d'entreprise permettant d'aménager la durée du travail, les rémunérations et les conditions de mobilité professionnelle ou géographique au sein de l'entreprise. Contrairement aux accords classiques, l'APC prime sur les stipulations contraires du contrat de travail, sans nécessiter l'accord individuel du salarié.

Le cadre juridique de l'APC a été conçu pour offrir une grande souplesse aux entreprises. Il n'est pas limité aux entreprises en difficulté et peut être conclu à tout moment, que ce soit pour faire face à des difficultés économiques ou pour saisir de nouvelles opportunités de développement. L'APC se substitue à plusieurs dispositifs antérieurs comme les accords de maintien de l'emploi ou de mobilité interne, en proposant un cadre unifié et simplifié.

Un point essentiel du régime juridique de l'APC est qu'il doit obligatoirement comporter un préambule définissant ses objectifs. Ceux-ci doivent être en lien avec le fonctionnement de l'entreprise ou la préservation/développement de l'emploi. Cette exigence vise à encadrer le recours à ce dispositif et à en justifier la nécessité.

Contenu et champ d'application de l'APC

L'accord de performance collective peut porter sur trois grands domaines : l'aménagement du temps de travail, la rémunération et la mobilité professionnelle ou géographique. Dans chacun de ces domaines, l'APC permet des modifications substantielles par rapport aux dispositions contractuelles ou conventionnelles existantes.

Le champ d'application de l'APC est très large. Il peut concerner l'ensemble de l'entreprise ou seulement certains établissements ou catégories de salariés. Cette flexibilité permet d'adapter finement les mesures aux besoins spécifiques de l'entreprise. Toutefois, le principe d'égalité de traitement doit être respecté : les différences de traitement entre salariés doivent être justifiées par des raisons objectives.

Aménagement du temps de travail selon l'APC

En matière de temps de travail, l'APC offre de nombreuses possibilités d'aménagement. Il peut modifier la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition. Par exemple, un APC peut instaurer ou modifier un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, comme la modulation annuelle. Il peut également modifier les horaires de travail, instaurer le travail de nuit ou le travail le dimanche.

L'APC peut aussi mettre en place ou modifier des conventions de forfait, en jours ou en heures. Dans ce cas, les dispositions légales relatives aux forfaits doivent être respectées, notamment en termes de durées maximales de travail et de repos. L'accord peut ainsi redéfinir les modalités de décompte du temps de travail, les périodes de référence pour les repos, ou encore les conditions de prise des jours de repos pour les forfaits en jours.

Modification de la rémunération par l'APC

L'APC peut aménager la rémunération des salariés, y compris à la baisse, sous réserve de respecter les salaires minima hiérarchiques définis par la convention collective de branche. Cette possibilité de modifier la rémunération est l'un des aspects les plus sensibles de l'APC, car elle touche directement au pouvoir d'achat des salariés.

Les modifications peuvent porter sur le salaire de base, mais aussi sur les primes, les 13ème mois ou autres éléments de rémunération. L'APC peut par exemple prévoir une modulation de la rémunération en fonction des résultats de l'entreprise, instaurer une part variable, ou encore supprimer certaines primes. Il est important de noter que ces modifications s'imposent au salarié même si elles sont moins favorables que les dispositions de son contrat de travail.

Conditions de mobilité professionnelle ou géographique

L'APC peut déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise. Cela peut inclure des changements de poste, de classification, ou de lieu de travail. Ces dispositions peuvent aller au-delà de ce qui était prévu dans le contrat de travail initial ou dans la convention collective applicable.

Par exemple, un APC pourrait prévoir une clause de mobilité géographique étendue à l'ensemble du territoire national, alors que le contrat de travail limitait initialement la mobilité à une région. De même, il pourrait imposer des changements de fonctions plus importants que ce qui était initialement envisagé. Ces mesures doivent cependant rester proportionnées aux objectifs poursuivis par l'accord.

Durée et révision de l'accord de performance collective

La durée de l'APC est librement fixée par les parties. Il peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. En l'absence de précision, la durée de l'accord est fixée à 5 ans. Cette souplesse permet d'adapter la durée de l'accord aux besoins de l'entreprise et à la nature des mesures qu'il contient.

La révision de l'APC suit les règles de droit commun de la révision des accords collectifs. Elle peut être engagée à tout moment pendant la durée de l'accord, à l'initiative de l'employeur ou des organisations syndicales représentatives. La révision permet d'adapter l'accord aux évolutions de la situation de l'entreprise, qu'elles soient positives ou négatives.

Processus de négociation et validation de l'APC

La négociation d'un accord de performance collective suit les règles habituelles de la négociation collective d'entreprise. Elle implique l'employeur et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, des modalités spécifiques de négociation sont prévues, notamment avec des salariés mandatés ou des élus du personnel.

Le processus de négociation doit respecter le principe de loyauté. L'employeur est tenu de fournir aux négociateurs les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause. Cela inclut notamment des données sur la situation économique et sociale de l'entreprise, ainsi que sur les objectifs poursuivis par l'accord.

Rôle des délégués syndicaux et du CSE

Les délégués syndicaux jouent un rôle central dans la négociation de l'APC. Ils sont les interlocuteurs privilégiés de l'employeur et portent les revendications des salariés. Leur connaissance du terrain et leur légitimité sont essentielles pour aboutir à un accord équilibré. Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, le Comité Social et Économique (CSE) peut mandater un expert-comptable pour accompagner les organisations syndicales dans la préparation de la négociation.

Le CSE, bien que n'étant pas directement partie à la négociation, joue un rôle important. Il doit être informé et consulté sur le projet d'accord avant sa signature. Son avis permet d'éclairer les négociateurs sur les implications de l'accord pour les salariés. De plus, dans certains cas, notamment en l'absence de délégués syndicaux, les membres du CSE peuvent être amenés à négocier directement l'APC.

Conditions de majorité pour la signature de l'accord

Pour être valide, l'APC doit être signé par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles. Cette exigence de majorité vise à garantir une large adhésion des salariés aux mesures prévues par l'accord.

Si ce seuil de 50% n'est pas atteint, mais que l'accord est signé par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30% des suffrages, une procédure de validation par référendum peut être engagée. Cette possibilité permet de donner une seconde chance à l'accord, en le soumettant directement à l'approbation des salariés.

Procédure de ratification par référendum

Le référendum d'entreprise pour valider un APC est organisé dans un délai d'un mois à compter de la signature de l'accord. Tous les salariés couverts par l'accord sont appelés à se prononcer. Le scrutin se déroule pendant le temps de travail, à bulletin secret. Pour être validé, l'accord doit recueillir l'approbation de la majorité des suffrages exprimés.

Cette procédure de ratification par référendum est un point important du dispositif des APC. Elle permet de contourner un éventuel blocage syndical et de donner directement la parole aux salariés. Cependant, elle soulève des questions quant à la capacité réelle des salariés à se prononcer en toute indépendance, notamment dans un contexte de pression économique.

Effets de l'APC sur les contrats de travail

L'une des caractéristiques les plus marquantes de l'APC est son impact direct sur les contrats de travail individuels. Contrairement aux accords collectifs classiques, l'APC peut modifier des éléments essentiels du contrat de travail sans nécessiter l'accord explicite du salarié. Cette particularité en fait un outil puissant mais aussi controversé.

L'application de l'APC peut entraîner des modifications significatives des conditions de travail et de rémunération des salariés. Ces changements peuvent être perçus comme une remise en cause des acquis sociaux, d'où l'importance d'une négociation équilibrée et d'une communication claire auprès des salariés sur les enjeux et les contreparties de l'accord.

Primauté de l'APC sur les clauses contractuelles

Les stipulations de l'APC se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Cette primauté s'applique même pour des éléments considérés comme essentiels du contrat, tels que la rémunération, la durée du travail ou le lieu de travail. C'est une dérogation majeure au principe selon lequel un accord collectif ne peut pas modifier le contrat de travail sans l'accord du salarié.

Cette primauté de l'APC s'explique par la volonté du législateur de donner aux entreprises un outil d'adaptation rapide aux évolutions économiques. Cependant, elle soulève des questions quant à la protection des droits individuels des salariés face aux impératifs économiques de l'entreprise. Le juge veille à ce que cette primauté ne soit pas utilisée de manière abusive.

Modalités de refus et conséquences pour le salarié

Bien que l'APC s'impose en principe au contrat de travail, le salarié conserve la possibilité de refuser son application. Ce refus doit être notifié par écrit à l'employeur dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle ce dernier a informé les salariés de l'existence et du contenu de l'accord. Le refus du salarié n'a pas à être motivé.

Les conséquences du refus sont importantes : l'employeur peut engager une procédure de licenciement à l'encontre du salarié refusant l'application de l'APC. Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse. Le salarié bénéficie alors des garanties légales liées au licenciement, notamment en termes de préavis et d'indemnités.

Licenciement sui generis en cas de refus

Le licenciement consécutif au refus de l'application d'un APC est qualifié de sui generis , c'est-à-dire qu'il constitue un motif de licenciement spécifique. Il ne s'agit ni d'un licenciement pour motif économique, ni d'un licenciement pour motif personnel au sens classique du terme. Cette qualification particulière a des implications importantes en termes de procédure et de contentieux.

La procédure de licenciement doit être engagée dans un délai de deux mois à compter du refus du salarié. Elle suit les règles du licenciement pour motif personnel (entretien préalable, notification du licenciement). Le salarié licencié bénéficie d'un abondement de son compte personnel de formation et peut s'inscrire comme demandeur d'emploi. Cependant, il ne bénéficie pas des mesures d'accompagnement prévues dans le cadre d'un licenciement économique.

Contentieux et contrôle judiciaire des APC

Le dispositif des APC, en raison de son impact potentiel sur les droits des salariés, fait l'objet d'un contrôle judiciaire attentif. Les tribunaux veillent à ce que ces accords respectent les dispositions légales et ne soient pas utilisés de manière abusive. Le contentieux autour des APC peut porter sur la validité de l'accord lui-même ou sur les licenciements consécutifs au refus de son application.

Les juges exercent un contrôle à plusieurs niveaux : ils vérifient la régularité de la procédure de négociation et de conclusion de l'accord, la conformité de son contenu aux dispositions légales, et la proportionnalité des mesures prévues par rapport aux objectifs poursuivis. Ce contrôle vise à garantir un équilibre entre les nécessités de l'entreprise et la protection des droits des salariés.

Contrôle du motif économique par le juge prud'homal

Bien que le licenciement consécutif au refus d'un APC soit consi

déré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse, le juge prud'homal conserve un pouvoir de contrôle. Il peut notamment vérifier que le motif invoqué correspond bien à la réalité des nécessités de fonctionnement de l'entreprise ou aux objectifs de préservation et de développement de l'emploi mentionnés dans le préambule de l'accord.

Le juge peut également contrôler la proportionnalité des mesures prévues par l'accord par rapport aux objectifs poursuivis. Par exemple, il pourrait considérer qu'une baisse de rémunération trop importante n'est pas justifiée au regard de la situation économique réelle de l'entreprise. Ce contrôle vise à éviter les abus et à garantir que l'APC n'est pas utilisé comme un simple outil de réduction des coûts au détriment des salariés.

Jurisprudence de la cour de cassation sur les APC

La jurisprudence de la Cour de cassation sur les APC est encore en construction, le dispositif étant relativement récent. Cependant, quelques arrêts importants ont déjà été rendus, permettant de préciser certains aspects du régime juridique de ces accords.

Par exemple, la Cour de cassation a confirmé que le licenciement d'un salarié refusant l'application d'un APC n'est pas soumis aux règles du licenciement économique, même si l'accord a été conclu pour des raisons économiques. Elle a également précisé que l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement pour le salarié refusant l'application de l'accord, contrairement à ce qui est exigé dans le cadre d'un licenciement économique classique.

Recours possibles contre un APC

Les recours contre un APC peuvent être exercés à différents niveaux. Tout d'abord, la validité de l'accord lui-même peut être contestée devant le tribunal judiciaire dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Les motifs de contestation peuvent porter sur les conditions de négociation et de conclusion de l'accord, sur son contenu, ou sur sa conformité aux dispositions légales.

Par ailleurs, les salariés licenciés suite à leur refus de l'application de l'APC peuvent contester leur licenciement devant le conseil de prud'hommes. Bien que le refus de l'APC constitue en principe une cause réelle et sérieuse de licenciement, le salarié peut toujours contester la réalité du motif invoqué ou la proportionnalité des mesures prévues par l'accord. Ces recours permettent de garantir un contrôle judiciaire effectif sur l'utilisation des APC et de protéger les droits des salariés face à d'éventuels abus.

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